lundi 9 septembre 2013

l'Union indienne, mosaïque linguistique

Deuxième pays le plus peuplé au monde, l'Inde compte plus de 1,2 milliard d'habitants... toute vision unitaire de cette nation serait réductrice.

En effet, l'Inde est un immense laboratoire de la la diversité ethnique et culturelle En témoigne l'incroyable profusion des langues qui y sont pratiquées. Si l'Union indienne reconnaît 22 langues dites constitutionnelles, on estime à 1600 le nombre de langues pratiquées, dont 398 sont officiellement répertoriées... un grand nombre d'entre elles sont menacées et disparaissent parfois sans que l'on s'en rende compte réellement.

40 langues sont parlées par plus d'un million de locuteurs soit plus de 850 millions de personnes. Autrement dit, un dixième des langues est parlée par la très grande majorité de la population et 90 % des langues de l'Inde ne sont utilisées que par 15 % des locuteurs indiens. On ne saurait décrire en détail ici cette diversité linguistique - nous renvoyons par exemple à l'excellent site mis en place par Jacques Leclerc de l'Université de Laval (Québec) "l'aménagement linguistique dans le monde" - sinon pour n'en évoquer que quelques aspects.

En gros, il y a une première subdivision nord/sud. Au Nord sont pratiquées les langues de la famille indo-européenne - ou plus spécifiquement indo-iraniennes - au Sud, les langues dites dravidiennes. En plus de ces deux familles, on compte aussi les langues sino-tibétaines, pratiquées, on s'en doute, dans les régions frontalières du nord : Népal, Bouthan, Birmanie...et les langues langues austro-asiatiques (comme le munda ou le nicobarais).

Pour comprendre cette disparité, il faut remonter quelque 3500 ans... entre 1500 ans et 500 ans avant notre ère, les peuples indo-iranien migrent vers l'Est, occupent progressivement l'Iran puis le sous-continent indien, repoussant vers le Sud les Dravidiens qui y vivaient. Les peuples de souche Mounda se retrouvent isolés en quelques enclaves subsistant dans les États du Nord-Est. Durant cette période, émergeant de la civilisation de d'Indus, une des plus anciennes civilisations urbaines, se développe la civilisation védique constituant le soubassement de la philosophie et religions hindoue. C'est durant cette antiquité que le système des castes se met en place. Au Ve siècle avant notre ère, le bouddhisme et le jaïnisme surgissent comme des réformes religieuses ascétiques et deviennent des religions indépendantes.

Les langues indo-iraniennes actuelles sont issues du sanskrit, langue morte utilisée uniquement par les brahmanes dans un contexte sacré. Les prakrits en étaient les formes vulgaires mais elles furent la langue littéraire des guerriers et des rois, parmi ces langues, le pâli fut utilisé dans les textes fondateurs du bouddhisme. C'est au cours du "moyen-âge indien" entre 500 et 1200 de notre ère, que se structurent les langues indiennes modernes. On recense officiellement 21 langues indo-iraniennes. Cette diversité a entraîné, au 19e siècle, avec le développement du commerce et de l'administration centrale, la nécessité d'une langue commune, l'hindoustani, permettant les échanges entre groupes ethniques... cette langue est pratiquée aussi bien par les hindous que par les musulmans, mais les tensions entre ces communautés se répercutent sur le plan linguistique en suscitant le clivage de l'hindoustani entre l'hindi - pratiquée par les Hindous - et l'ourdou, langue de la communauté musulmane. Grammaticalement, c'est la même langue mais l'écriture diffère : l'alphabet dévanagari est utilisée en hindi tandis que l'alphabet arabo-persan est utilisée en ourdou. La partition en 1947 de l'Inde accentue le clivage entre les deux langues qui ont tendance à évoluer en divergeant puisque progressivement les néologismes de l'ourdou - langue officielle au Pakistan et co-officielles dans certains états indiens - sont puisés dans les langues persanes, tandis que les néologismes de hindi - langue officielle de l'Inde - s'inspirent de l'ancestral sanskrit.

Pour mesurer l'impact de l'hindoustani (et de l'hindi) il faut se rappeler que c'est la seconde langue parlée, en terme de nombre de locuteurs, au monde, après le Chinois. Les langues indo-iraniennes sont parlées, en Inde, par les trois quart de la population. Les langues dravidiennes pourraient faire office de parents pauvres, mais elles concernent un quart de la population indienne : 214 millions de personnes. Usitées dans les quatre États du sud de l'Inde (Kerala, Karnataka, Andra Pradesh et Tamil Nadu) et au Sri Lanka, elles comportent une trentaines de langues dont les plus importantes sont le tamoul, le kannada, le telougou et le malayalam.

1600 langues, 398 officiellement reconnues, 22 langues constitutionnellement reconnues, 30 langues parlées par plus d'un millions de locuteurs, 122 langues parlées par plus de 10,000 personnes, et plusieurs centaines de langues isolées, mal connues et non reconnues, menacées par l'uniformisation culturelle et sans statut officiel comme les langues des aborigènes. Cette réalité incroyablement complexe se traduit par une politique linguistique raffinée, mais qui marche pour ainsi dire sur les charbons ardents des revendications et ressentiments identitaires. 22 langues dites constitutionnelles, sont reconnues par l'État fédéral et utilisées dans l'administration. La Constitution précise que chaque État choisit une ou plusieurs langues officielles pour son parlement, son administration publique, ses cours de justice, l'enseignement et l'affichage. Partout l'usage de l'anglais reste possible, même lorsqu'il s'agit de communiquer entre États. En outre les États ont leur propre politique linguistique et déterminent leurs propres langues officielles Certains États conservent l'anglais, et reconnaissent plusieurs autres langues.

En outre, il faut aussi garder à l'esprit que les langues indo-iraniennes et dravidiennes s'écrivent avec une douzaine d'alphabets différents

Dans la pratique les administrations utilisent l'anglais ou l'hindi pour communiquer avec les autorités centrales, et l'hindi et une ou plusieurs langues locales pour communiquer avec les autorités locales ou avec la population, souvent dans une formule dite "trilingue" : langue maternelle locale/langue officielle (anglais/hindi)/langue officielle régionale. Ce qui induit une priorité dans l'enseignement : langue officielle régionale, hindi, puis l'anglais comme langue de communication internationale. Cependant dans l'enseignement primaire, les langues locales maternelles minoritaires sont protégées : leur enseignement est obligatoire dès lors que 10 élèves sur 40 le demandent.

Mais cette protection des langues minoritaires est coûteuse, et beaucoup d'État, prétextant des contraintes budgétaires, contournent ou négligent les réglementations en vigueur et on peut considérer que nombre de langues pratiquées par des minorités ethniques sont menacées. 

Par ailleurs, la langue coloniale, l'anglais, jouit d'un statut particulier. 10 % des Indiens le pratiquent. Après l'indépendance, l'État indien avait considéré que l'anglais resterait langue officielle durant 15 ans, mais au terme de cette période, les États et les communautés de langue dravidienne, craignant la suprématie de l'hindi, ont revendiqué le maintien de l'anglais comme langue officielle, pour faire contrepoids. De sorte que l'anglais est, en maints états de l'Union indienne, considérée comme une langue officielle à part entière. En réaction, l'usage de l'anglais est vilipendé par les nationalistes hindous, qui réclament l'hindi comme seule langue officielle. En fait, l'anglais n'est correctement parlé que par une minorité d'universitaires ; ceux qui appréhendent l'anglais comme deuxième ou troisième langue, l'ont transformé en ce qui est appelé "hinglish", devenue la langue branchée de la bourgeoisie sous l'influence notamment du cinéma bollywoodien.

Deux autres langues allogènes sont pratiquées localement : le portugais, à Goa et le français, à Pondichéry où 10 mille francophones vivent encore.

sources :

Inde : in Aménagement linguistique du monde, par J. Leclerc : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/inde-3pol-etats.htm

Wikipedia : langue de l'Inde : http://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_de_l%27Inde

lundi 2 septembre 2013

littérature et poésie en Inde : une rencontre littéraire avec Paul Zacharias et K. Satchidanandan


Ce 23 octobre, nous aurons l'honneur d'accueillir, dans le cadre de Europalia, deux auteurs du Kerala, écrivains et poètes de premier plan.

Paul Zacharias né à Urulikkunnam, dans le Kerala vit actuellement à Trivandrum (capitale du Kerala). Ses nouvelles, écrites en malayalam, rompent avec les conventions littéraires en adoptant délibérément un style caustique, dénué de tout sentimentalisme pour dénoncer les pesanteurs traditionnelles de la religion et du communautarisme au sein de la société indienne. Ses positions radicales, énoncées sans concessions, le confrontent souvent avec les courants politiques réactionnaires, rétrogrades et obscurantistes. La bibliothèque du Congrès accueille 13 oeuvres en Malayalam. Peu d'écrits sont traduits en anglais : on peut citer "Bhaskara Pattelar and other stories" (éd Manas books, Chennai, 1992); "Reflections on a Hen in Her last Hour and other Stories" (Penguin books), New Delhi, India) et "Praise the Lord and what New, Pilate ?", (Katha books, India, 2002).


K. Satchidanandan, né en 1946, est un des écrivains les plus connus dans son pays. Poète, critique littéraire, chroniqueur de presse, essayiste mais professeur d'anglais, éditeur du journal de l'Académie nationale de Littérature (Sahitya academy) "Indian literature", il a à son crédit plus de 23 recueils de poésie, 21 recueils d'essais sans compter ses pièces de théâtre et ses récits de voyage. Sa poésie, écrite en malayalam, est traduite en 17 langues y compris l'anglais, le français, l'allemand et l'italien, et il a introduit, par ses traductions, divers poètes en Inde dont Garcia Lorca, Pablo Neruda, Alexander Block, Paul Celan ou Eugenio Montale. On ne compte plus ses participations à divers festivals poétiques et congrès littéraires de part le monde, visitant aussi biens les USA que la Chine, ainsi que de nombreux pays du proche-Orient.
C'est donc un pionnier de la poésie moderne bien connu pour son articulation subtile entre le contexte socio-politique et la forme de sa poésie. Narration, ironie et contemplation philosophique mettent en évidence les multiples contradictions de sa société et constituent des éléments décisifs d'une poésie de résistance contre la normalisation de la pensée, le conditionnement des masses et les formes modernes de l'obscurantisme. Agissant contre l'intolérance, il n'hésite pas à prendre parti contre les manifestations violentes et les querelles communautaires qui sévissent en Inde surtout depuis la main mise du pouvoir par les fondamentalistes hindous. Aussi, il prit part en 2010 au symposium de l'ONU à New-York sur "le rôle de la littérature dans le désapprentissage de l'intolérance" et fut nominé pour le prix Nobel de littérature en 2011


Paul Zacharia et Koyamparambath Satchidanandan seront interviewés par Alok Nandi, auteur et réalisateur multimédia.
La conférence aurait lieu en anglais, avec traduction française et sera suivie d'un Verre de l’amitié

Lieu : Bibliothèque-médiathèque le Phare
Chaussée de Waterloo 935 – 1180 Uccle
le 23 octobre à 20 h

Entrée libre, Infos et réservations : 02 374 04 43 ou à l’adresse uccle.lephare@yahoo.fr